Si vis pacem, para bellum. [PV Auréhane.]

Bientôt, il faudrait que les Vents organisent de nouveaux tournois aux arènes.

Keilana Haze se réveilla de bon matin avec cette pensée lassante. Il fallait qu’elle voie cette chère Auréhane, pour discuter rapidement à ce sujet. Par exemple, du fait qu’il était peu probable que le Clan Nuage combatte sérieusement cette année, du fait de son alliance avec les Foudre. Seuls les volontaires se présenteront, selon elle. Puis, il fallait aussi voir l’organisation plus générale, les dates et autres détails de ce genre, comme chaque fois.
Rien qu’à cette perspective, la jeune femme se sentait fatiguée.

Elle se glissa souplement hors de son lit et prit une douche rapide avant de se frayer un passage hors du Secret. Dire qu’elle chérissait sa cachette serait peut être abusé, mais dans l’enceinte de ces murs, elle pouvait ressentir un semblant de sécurité qu’elle ne trouvait nulle par ailleurs. Pourtant, c’était en ces lieux qu’elle sentait le mieux la présence de sa cage, cage haïe, puisqu’elle entravait la sainte liberté à laquelle elle aspirait. Peut être aurait-elle due naitre au sein du clan Vent, se disait-elle parfois. Au moins, elle verrait clairement quelle serait la nature de sa prison : sa faiblesse. Alors qu’en tant que Nuage, elle ne parvenait pas à distinguer ce qui pouvait encore l’entraver, dans la mesure où elle pourrait se tenir éloigner des conflits, comme elle le souhaitait.

L’air matinal était frais et agréable. La jeune femme se délecta de ce plaisir comme seul les gens de son Clan savaient le faire : prendre les choses comme elles venaient, anticiper et se mouvoir au gré du souffle céleste étaient leurs spécialités, après tout. Tout comme le simple plaisir du jeu, la curiosité propre aux informateurs et la froideur qu’impliquait un assassinat.
Une réalité que la Chef ne saurait jugée comme étant bonne ou mauvaise.
Ce dont elle n’éprouvait pas le besoin, de toute manière.

Les mains dans les poches, son air flegmatique toujours fiché sur ses traits, elle se dirigea docilement vers le Centre de l’île, saluant discrètement quelques connaissances. Comme d’ordinaire, elle portait un pantalon trop large et un sweat à capuche. Sa « collègue » le savait, qu’elle ne ferait pas d’effort vestimentaire pour qui que ce soit. Puis, elle trouvait cela très bien, le contraste qu’elles présentaient. Son flegme opposé à la droiture. Une chose qu’elle jugeait intéressante, somme toute.
Lorsque la frontière fut franchie, lorsqu’elle quitta son territoire, son attitude badine sembla s’intensifier encore, et malgré le fait qu’il y eut peu de monde en ces rues à une heure pareille, elle passait plus ou moins inaperçue. Il suffisait pour cela de se fondre élégamment dans l’ordinaire et de ne faire preuve d’aucun mouvement visant à se cacher à proprement parler : ce sont le genre de choses qui attirent l’attention.
Néanmoins, c’était là une chose plus facile à dire qu’à faire, et ce n’était pas pour rien que les Nuage bénéficiaient d’un rigoureux entrainement depuis leur plus jeune âge.

Arrivée face à l’imposante bibliothèque, Keilana s’y glissa, certaine d’y rencontrant la jeune chef du Clan du Vent. Elle arpenta silencieusement les allées, s’attardant parfois sur quelques ouvrages, affichant sa curiosité naturelle. Parfois, on pourrait penser que la jeune femme n’était qu’une enfant en quête de savoir, qui découvrait le monde à chacun de ses pas. Ce qui, d’un côté, n’était pas faux : on ne connaissait jamais assez bien ce qui nous entourait, non ?

Elle finit par se saisir d’un livre à la reliure délicate, sur l’histoire du Monde d’Avant. Envahie par son instinct, elle su qu’Auréhane n’était pas encore arrivée. Après tout, le jour n’avait point qu’une heure plus tôt. Keil se laissa alors tomber dans un confortable fauteuil, à l’étage, pour se plonger dans sa lecture. Tant qu’à faire, elle pourrait s’instruire en même temps que de patienter. Cela serait bien plus constructif que d’attendre en faisant le pied de grue devant le bâtiment.

Et bien plus discret aussi.

Invité

C’est à la sonnerie de son réveil qu’Auréhane se leva ce matin là, comme les précédents. Sa chambre était encore plongée dans la pénombre, un fin rayon de lumière réussissant à traverser la barrière de ses volets. Cette faible lueur était suffisante pour permettre à la jeune femme de se diriger dans sa chambre sans avoir besoin d’autres sources de lumières. Elle ouvrit ses volets et respira un instant l’air frais du matin en savourant le vent léger qui vînt s’engouffrer dans ses cheveux. Elle profita quelques secondes de la sérénité du matin. Les rues étaient presque vides, quelques personnes marchaient cependant, se dirigeant surement vers un commerce quelconque à ouvrir. Elle vit aussi quelques volets d’ouvrirent et vit des airs encore ensommeillé. D’ici peu le centre serait animé.

Laissant la vitre entrouverte, elle se détourna de son poste d’observation pour se préparer. Les quelques minutes qu’Auréhane passaient chaque matin est aussi des minutes de tranquillités ou encore elle ne pensait pas à ces différentes obligations de la journée. Elle s’habilla d’un pantalon noir et d’une tunique blanche longue sans manche. Une ceinture blanche et des escarpins noires complétés le côté vestimentaire. Elle se coiffa et attacha ses cheveux en queue de cheval basse laissant glisser ses cheveux dans le bas de son dos alors que quelques mèches tombaient sur sa tempe gauche. Un brin de maquillage sur ses yeux et son visage en général et Auréhane quitta sa chambre.

La première chose que voulait faire la jeune femme aujourd’hui était d’aller à la bibliothèque. En fait c’était une habitude, presque un rituel, elle s’y rendait presque tout les matins. Une heure tout les matins, quand la ville est encore calme, quand on n’a pas encore besoin d’elle. De plus la bibliothèque est l’endroit idéal que ce soit pour travailler ou même simplement se détendre. C’est un lieu tranquille et reposant. Lorsqu’elle y travaille, Auréhane dispose de tous les documents nécessaires et utiles sous la main, lorsqu’elle se distrait, elle dispose du silence auquel elle aspire. Tout le monde sait qu’Auréhane se trouve à la bibliothèque le matin, du moins tous ceux qui ont besoin de le savoir. Mais voilà, Auréhane préfère que l’on vienne la chercher ici si nécessaire plutôt que chez elle, notamment de bon matin. Auréhane aime le calme et instinctivement lorsque l’on pénètre dans une bibliothèque on baisse le ton, du moins si l’on accorde un minimum de respect aux gens qui nous entourent. Donc pour Auréhane quelques soient ses préoccupations ce lieu était le plus adéquat pour bien commencer la journée.

Auréhane entra dans l’établissement et immédiatement ralentit le pas. Ne serait-ce déjà pour diminuer le bruit sec de ses talons sur le sol. Elle salua la bibliothécaire qu’elle commençait à bien connaître maintenant, avant de se diriger vers les espaces et les tables de travail. Cependant en s’y dirigeant, elle eut la surprise d’apercevoir sur un fauteuil, un livre dans les mains, une personne qu’elle connaissait plutôt bien. Auréhane se dirigea alors vers elle. Ne croyant que peu aux coïncidences, elle se demandait la raison de la présence du chef du clan nuage ici, bien qu’elle en ait une vague idée.

« Mademoiselle Haze. Je ne m’attendais pas à vous rencontrer ici. » Demanda t’elle d’une voix basse, sans surprise et plutôt plate en fait.

Auréhane observa Keilana quelques secondes. Chaque fois elle donnait la même impression. Flegme, tranquillité…Une aptitude à avoir l’air détaché du reste tout en abordant des sujets particulièrement sérieux. La jeune femme était particulière. Elle avait quelque chose de déstabilisant par moment.

« Est-ce une coïncidence où souhaitiez vous me voir ? »

Auréhane savait qu’elle allait devoir bientôt s’entretenir avec les différents chefs des autres clans, ne serait-ce pour organiser les futurs combats dans les arènes, qui cela était évident n’allaient plus tarder. Divers altercations en ville laissées penser que la tension montaient entre certains groupes, et mieux valait tenter de la faire redescendre rapidement, avant qu’un incident plus grave n’arrive.

Auréhane n’aimait que peu les combats en arène. Elle avait l’impression de voir des animaux enragés se déchirer. Très rare étaient les membres du clan vent qui y participait, car très rare était-ce qui pourrait l’emporter face à un membre d’un autre clan, de plus le clan vent n’était absolument as porté sur le combat ou la violence. Et si les arènes n’étaient pas utiles à la relative tranquillité du centre Auréhane en aurait cessé l’utilisation. Auréhane n’était pas neutre pour rien. Elle ne comprenait pas ce besoin de se battre et de détruire son adversaire. Mais bon chacun est libre de faire ce qu’il veut non ? Ce serait bien que ça ne se fasse pas au détriment d’autres.

Décidément, elle n’avait rien de palpitant, cette rencontre.
Sans compter qu’elle ne serait pas une partie de plaisir quand les choses sérieuses débuteront.

Keilana leva son regard indescriptible vers Auréhane. Non, elle trouvait vraiment cette femme à la fois emplie de prestance, et pourtant fade. Comme si sa vie n’était régie que par le devoir, l’ordinaire, une notion répétitive prisonnière du destin. Puis l’appeler « Mademoiselle Haze », elle trouvait cela un peu poussé.
Cependant, elle n’en laissa rien paraître, comme le voulait son habitude. Après tout, elle ne prétendait pas façonner le monde à son image, ni l’influencer d’une quelconque façon. Elle préférait que cette chère Chef du Clan Vent reste comme elle était. De plus, elle la trouvait d’une nature assez prévisible, et ses objectifs droits faisaient d’elle une valeur sûre quant à l’avenir du Céleste Enfer. En effet, Keilana demeurait convaincue que, si la situation se présentait, Auréhane serait de ceux qui s’opposeront à la Foudre, si cela pouvait apporter la paix. Car, ne nous faisons pas d’illusions, mais le Centre de l’île ne serait pas plus épargné que feu les anciens de l’Ouest.

Posant son livre avec douceur, elle détourna quelques instants son regard d’onyx de son interlocutrice pour inspecter la salle. A une heure aussi matinale, bien peu d’individus allaient se terrer dans un endroit pareil. Elle préférait néanmoins jouer la sureté et ne tarderait pas à se cloitrer pour que la discussion future demeure secrète. Elle se leva et salua son interlocutrice :

« Bonjour, Auréhane, je suis heureuse de voir que vous vous portez bien. »

Un éclat de malice scintilla dans les prunelles de la jeune femme et un petit sourire se dessina au coin de ses lèvres blafardes. Evidemment, l’entrée en matière frôlait le quiproquo tant elle était décalée, voire chaleureuse. Le détachement de Keilana pourrait même paraître insolent, dans une telle situation, mais cette dernière s’en fichait éperdument. D’ailleurs, ce n’était pas pour la forme qu’elle vouvoyait son homologue, loin de là –elle ne mettait de forme nulle part. Elle ne faisait que subtilement indiquer une forme de respect mêlée à un gentille moquerie, comme pour rappeler à cette femme de deux ans son aînée que rien n’était acquis sur cette Cité-Volante.
Puis, regagnant son éternel côté énigmatique, elle souffla sur le ton de la confidence :

« Une coïncidence, dites-vous ? Et bien, tout dépend quelle entité vous vénérez : le Divin Hasard ou le Céleste Destin ? »

Non, il n’y avait pas de coïncidence, évidemment. Et là encore, ce n’était qu’une façon d’imposer son point de vue : la volonté de l’île ne tenait ni du hasard, ni du destin, seulement de ses habitants. Les hommes se contentaient de remettre leurs existences à de futiles visions supérieures. Keilana, elle, ne s’en remettait qu’à elle-même. Il semblait que la même règle devrait s’imposer pour Auréhane, si bien qu’elle n’attendit pas de réponse à sa question purement rhétorique.
Et puis, elle n’était pas là pour discuter des croyances, pas plus que de la pluie et du beau temps.

Enfonçant ses mains dans ses poches, elle indiqua d’un signe de tête à la Chef des Vent de bien vouloir la suivre dans une pièce voisine, un petit cabinet au sein de la bibliothèque où elles pourraient discuter à l’abri des oreilles indiscrètes.
L’espace quoi que restreint offrait de sa petite baie vitrée une vue imprenable sur les Arènes, situées non loin de là. Il n’y avait là que quelques livres en réserves, une petite table et trois chaises. L’endroit restait clair, bien que les couleurs du bois sombre n’y aidait pas.
L’Assassine avait repris ses traits neutres, oubliant légèrement son flegme pour une légère impression de sérieux, comme elle le faisait souvent quand elle jouait son honneur et son Clan. Sans s’encombrer de politesses, de subtilités diplomatiques et autres détails qu’elle jugeait superflus, elle déclara en se laissant tomber sur sa chaise :

« Il est probable que les Nuages ne participeront pas officiellement aux combats des arènes, lors de la prochaine Session. »

Déclaration qui ouvrait une porte vers une longue discussion.
En effet, un tel évènement ne pouvait que se révéler lourd en conséquences, dans l’ombre du semblant de système politique qui hantait les coulisses de l’Enfer Céleste.

Elle ramena son genou droit contre sa poitrine, posa son pieds sur le rebord de sa chaise et attendit patiemment la réaction d’Auréhane. Allait-elle l’interroger sur les raisons d’une telle affirmation en se parant d’un calme olympien, ou bien allait-elle s’emporter, par crainte des répercussions d’un tel fait ? Quoi qu’elle pouvait aussi surprendre Keilana en se montrant un peu plus inventive ou moins droite dans sa façon de voir les choses…
Si dans les pensées de la chef du Clan Nuage se bousculaient diverses hypothèses, ces dernières ne balayaient pas ses doutes : elle ne donnerait pas d’ordres aux siens, seulement ce qui était officiel. Tous étaient libres de participer aux combats, avec son accord. Mais ils ne participeraient pas officiellement et ne feraient pas partis des affrontements finaux, qui permettrons de départager les clans dans chacun de leurs domaines.

Et la raison à tout cela était d’une simplicité navrante, qui faisait un peu de peine à Keil’.
En effet, les tournois avaient toujours été une distraction amusante, dans cette arène où les clans étaient répartis dans les gradins par section, où les affrontements divers se déroulaient en contrebas. Où elle pouvait librement jeter des coups d’œil aux autres chefs, même dissimulée derrière sa tenue d’Assassin afin que personne ne connaisse sa véritable identité.
Une distraction qui induisait d’intenses réflexions, qui lui permettait d’évaluer les capacités de chacun mais aussi de contempler les attitudes de la foule, lire les signes, interpréter jusqu’à ce qu’elle puisse à peu près déceler l’état actuel des choses.

Exercice auquel tout le monde pouvait se livrer, mais que seul un Nuage pouvait maîtriser dans toute sa profondeur.
Elle plus que quiconque.

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» Auréhane Kandiara - chef du clan Vent