Douce et délicate errance...

Regard à droite. Regard à gauche. April se glissa dans les jardins, bien décidé à profiter du beau temps, des oiseaux, et du calme. April, profité du calme ? Il y avait un certain paradoxe dans cette phrase n'est-ce pas ? Et pourtant... Mais revenons au début, pour expliqué ce grand chamboulement dans l'ordre des choses.

April était sortie le matin même de ses appartements, dans sa robe bustier marine, nues pieds, ses mèches bleus flottant sur ses épaules, bien décidé à allé flanner dans le quartier du vent, pour s'acheter une paire de boucle d'oreille qui irait avec cette robe. Oui, c'était une activitée bien futile pour le chef de clan qu'elle était. Mais que voulez-vous, on ne pouvait pas être à la fois divinement sublime, et profondement mature. Et actuellement, elle avait besoin de distraction infantile. Elle avait passé la nuit, sur un presque cadavre. Presque, parce que la personne dont elle s'était occupé était au frontière de la mort. Elle ne connaissait pas son clan. Elle ne se souciait que rarement du clan des personnes qu'elle soignait. Parce qu'elle voulait rester objective dans ses soins. Serait-elle plus ou moins appliqué selon qu'elle ait affaire à un membre du clan Foudre, ou un membre du clan Vent ? Elle préfèrait ne pas le savoir. Parfois, si la personne se reveillait avant qu'elle ne quitte le centre de soins, elle lui demandait son clan. Pour savoir. Mais là, en l'occurence, l'autre n'était pas réveiller, et elle n'était pas suffisemment curieuse pour attendre qu'il s'éveille. Au pire, il y aurait forcément quelqu'un pour le savoir, au centre.

Enfin, tout ça pour dire qu'à l'instant où elle était sortie de chez elle, elle n'avait qu'une envie : Se détendre de manière futile. Elle estimait que ce monde manquait cruellement de futilité, d'où ses envies, de plus en plus fréquente, à mesure que les tensions augmentaient. April ne se sentait pas menacé. Pas vraiment. Elle savait que son clan restait trop utile pour être envahit de manière aussi brutale que celui de l'Ouest. Pourtant, elle n'était pas non plus stupide, un jour ou l'autre ce barbare de chef de la foudre oublierait ces futilités et foncerait, tête baissée dans la bataille. Barbare. Quoi qu'il en soit, elle s'inquiétait juste assez pour surveiller ces troupes, pour que le jour où l'Autre fou choisirait de s'en prendre à son clan, ils l'accueillent avec les honneurs qu'on réserve à ceux de son espèce. Les barbares. Avec les flèches et le sang. Et hors de question de laisser son grand coeur prendre le dessus : Elle n'en soignerait aucun. Se serait sa façon à elle de laisser s'exprimer la rebelle qui sommeillait en elle.

Elle avait rit à cet instant, de sa propre bêtise... Il y avait plus frappant comme signe de rebellion. Mais si les membres du clan des Etoiles cessait de soigner les gens, où allait le monde, n'est-ce pas ?

C'était sur cette pensée qu'elle avait poursuivit sa route à travers les îlots, sans le moindre soucis.

April soupira. A cet instant, il ne lui aurait manqué que quelques mêtres pour être tranquille, elle aurait alors éviter tout problème, toute cette agitation... Elle allait traverser la limite qui séparait son territoire de celui du Vent lorsque, choc, surprise et désespoire, on avait hurler son nom. Ou plutot avait-on hurler Chef, mais dans son cas, c'était sensiblement la même chose. Aussi, c'était-elle retournée, intriguée. Première erreur. Apparemment on avait - encore - besoin d'elle. Le patient de la nuit d'avant avait apparemment rechuté. Et April savait que ce n'était pas vraiment bon signe. Car si elle ne connaissant pas le clan de ce patient, elle connaissait par contre ses problèmes sur le boût des doigts. Aussi avait-elle suivit la jeune personne qu'on lui avait envoyé.

Et effectivement ce n'était pas joli à voir. Toutes ses coutures, tout son beau travail, tout s'était cassé, et ce n'était pas les quelques débutants qu'on laissait à la surveillance au centre de soins qui pouvait faire quelque chose. Elle même doutait de pouvoir y arriver. Pourtant, elle savait aussi qu'elle devait tout essayer. Si quelqu'un mourrait sur son territoire sans qu'elle ne se soit personnellement interressée au maximum, elle savait qu'elle devrait rendre des comptes, qu'on l'accuserait de favoritisme, et qu'une nouvelle bataille serait déclenchée. L'équilibre était si fragile. Trop fragile.

Alors elle avait mis toute son énergie qu'elle avait pourtant peinée à retrouver dans la survie de ce patient, utilisant ce qu'elle avait de plus fort, pour que cette fois, tout tienne parfaitement. Il ne serait pas dit qu'April Starfish était de celle qui abandonne. Même si sincèrement, elle aurait tout donné pour laisser tomber. Elle était si fatiguée.

Résultat ? Elle avait passé sa journée à rafistoler cet homme - mais qu'avait-il bien pu faire pour se retrouver dans cet était ?! - et était sorti du centre de soins plus épuisée que jamais, et surtout, toute motivation à la futilité envolé. Après tant d'agitation, elle n'avait alors eu qu'une envie : Avoir du calme.

Chose voulue, chose dûe. Elle était maintenant dans les jardins bordant les îlots, au calme. Elle se laissa choir dans l'herbe, laissant sa robe déjà pas bien longue, remonter sur ses cuisses. Le tissu bleu était parsemé de tache brune, et l'espace de quelques secondes, elle se demanda si elle réussirait à retirer les taches, où si se serait un nouveau vêtement de fichu... Et puis, se laissant totalement tombé dans l'herbe, elle observa les nuages, savourant le silence et le calme qui l'entourait.

Plus pour longtemps cependant, puisque soudainement, elle entendit des pas glisser dans l'herbe. Priant pour qu'on ne la remarque pas, elle ferma les yeux, à la manière des enfants qui pensent que si eux ne voit pas, alors on ne les voit pas non plus.

Les pas se rapprochèrent.

April perçut le mouvement de l'herbe près d'elle. Elle perçut l'autre se poser, s'assoir, s'installer, comme s'il ne l'avait pas remarquée. Elle sourit. Tant mieux. Cependant, elle tourna la tête vers l'inconnu, histoire de savoir à qui elle avait affaire. Première erreur. Ce mec n'appartenait pas à son clan. Elle en aurait mis sa main à couper. Elle se redressa alors un peu plus, histoire de voir de plus près son visage, de voir si elle le connaissait, et s'il avait des raisons de se trouver ici. Deuxième erreur. Son regard ne s'arrêta pas sur son visage mais sur le sang qui suintait du mollet du jeune homme et souillait l'herbe verte des Jardins. Elle haussa un sourcil. Décidemment, ce ne devait pas être sa journée, pouvait-elle descemment se reposer alors qu'il y avait un homme à une mètre d'elle qui se vidait de son sang. Certes, l'expression était exagéré, mais l'idée était là : Elle ne pouvait pas.

Elle soupira longuement, de lassitude, passa une main dans ses cheveux, et s'approcha de lui. A genoux, la tête penchée par dessus lui, ses cheveux bleus glissant autour de son visage, elle le fixait, comme un patient dans une chambre de soin, avec l'attention du chirurgien. Il était abimé. Pas trop, mais suffisemment cependant pour qu'elle ait à s'inquiété. Un homme s'était battu, et avait, de toute évidence, oppéré un repli dans ses quartiers. Un homme d'un autre clan. Un nouveau dillemme la pris, et elle ferma les yeux quelques secondes, maudissant tout ces abrutis qui n'était pas fichu de se débrouiller sans elle. R'ouvrant les paupières, elle le regarda à nouveau. Pantalon de costume déchiré, tenue légèrement sali. Avec qui avait-il pu se battre pour en ressortir aussi abimé et toujours aussi vivant ? Quel clan ? Et surtout, de quel clan était-il ?

Oui, d'ordinaire, April se fichait pas mal de savoir à quel clan appartenait ses patients, mais quand ceux-ci pénétrait avec une telle facilité sur son territoire, et sans rien demandé à personne venait squatter ses Jardins, là, il y avait mesure à s'interroger. N'est-ce pas ? C'est pour cette raison que d'une voix clair, et posée, elle demanda :

- Je peux savoir ce que tu fais là ? Le centre de soin est un peu plus loin.

C'était une question tout ce qu'il y a de plus annodine, posée sur le ton de la conversation. Pourtant, dans le fond, April réfléchissait : Blessé comme il l'était, à l'arme blanche, il ne pouvait avoir été attaqué par un membre du clan Tempête, et difficilement par un membre de son propre clan. Restait alors les clans des Nuages ou de la Foudre. Génial. C'était exactement ce qu'il lui fallait, un conflit avec l'un des deux clans, histoire de bien terminé sa journée... Elle soupira, le regard vide, une moue extrèmement contrariée sur les lèvres. Celui là, qui qu'il soit, quelque soit la raison pour laquelle il était là, elle le soignerait, parce que c'était son roles dans le grand dessein, mais elle ne prendrait aucune pincette. De toute manière, ça plaie n'avait pas l'air suffisemment profonde pour être mortel, et l'espace d'un instant, elle s'imagina le laissant dans l'herbe, plaie au clair. Peut-être que cela s'infecterait, peut-être même que sa jambe serait prise d'une horrible gangrène, et qu'il faudrait la couper. Et là, il regretterait d'être venu perturber son havre de paix.

Mais non. April n'était pas ce genre là, elle ne laissait pas mourir, ou même s'amputer d'une jambe, les gens qui venait sur son territoire, quand bien même elle était fatiguée, quand bien même elle avait un patient particulièrement coriace au centre, quand bien même elle risquait peut-être des ennuis avec les membres du clan des Nuages, et celui de la Foudre. De toute manière, c'était son role : Soigner les gens qui se présentait à elle. Et puis, au pire, elle pourrait toujours lui faire regretter avoir un peu plus pourri son après midi quand il serait en forme et en bonne santé.

Alors, de nouveau elle soupira. Ce mec était une grosse écharde dans son pied droit.

- Je suis April. Merci, grâce à toi, cette après midi sera encore plus pourri que ce qu'elle n'était déjà. - Maugréa-t-elle.

Curieusement, sa voix n'était pas colérique, non, elle était lasse, fatiguée. Bien sur, elle savait que l'autre en face lui ferait remarqué qu'elle pouvait aussi bien l'ignorer, mais c'était ça le problème d'April : Elle ne pouvait pas ignorer les autres. Elle ne savait pas le faire. Elle était obliger de le soigner, c'était quelque chose qui hurlait, qui tempêtait en elle, et elle ne pouvait rien faire pour s'en empêcher. Alors elle, se déplaça légèrement sur la plaie qu'elle avait remarqué, et jeta un regard à son nouveau patient, attendant qu'il l'autorise, par un signe quel qu'il soit, d'éxaminer la blessure.

Spoiler:

Comme d'ordinaire, lorsqu'il se mettait à observer les nuages, tout et rien passa à l'esprit du meutrier. C'est à dire, tour à tour : qu'est ce que je vais manger ce soir ? J'ai encore du temps pour y penser, pas la peine de se casser la tête avec ça. Est-ce que j'ai encore du shampoing ? Bah, je verrais bien. Inutile de s'ennerver à réfléchir là-desssus. Est-ce que le ruban est encore là ? Ah, en voilà, une question interessante ! Je sais, on fait beaucoup mieux au niveau des questions interessantes, mais c'était l'essentiel pour le jeune homme : c'était presque comme s'il pouvait sortir à poil, tant qu'il avait sa dague et le ruban autour, il s'en foutait. Donc, il daigna enfin détacher ses yeux des magnifiques nuages, presque à contrecoeur, et regarda. Sa dague était bien en place, quand au ruban.... Le noeud qui le retenait s'était légèrement défait. Il la tira donc, sans faire attention à April et, l'air toujours impassible, comme s'il ne tenait pas une dague au manche écarlate et qu'il ne tentait pas d'y rattacher un ruban rose -oui, rose, avec une brodure dorée - , et bien, il rattacha se ruban avant de la ranger, cette dague. Il ne fait aucun doute que, maintenant, elle pouvait aisément deviner à quel clan il appartenait... Bon, ce qu'elle ne pouvait pas savoir, c'était qu'il s'agissait un membre de son propre clan qui l'avait attaqué. Quoi que. Il ne faisait aucun doute, dans l'esprit avisé d'Alexiel, qu'un Foudre ne l'aurait pas laissé s'enfuir aussi facilement, ou qu'il l'aurait un peu plus ammoché que cela : déjà, le sang ne coulait presque plus. Enfin, question de point de vue : déjà au départ, quand il était arrivé, Alex estimait que cette blessure n'était qu'une égratinure, alors que c'était quand même un cran au dessus...

Bref. Il ne pouvait pas dire qu'il ne s'y attendait pas mais, alors qu'il relevait la tête pour contempler de nouveau ses amis les nuages, la jeune femme prit la parole. Il se demanda sérieusement pourquoi les gens demandaient toujours ce qu'il faisait ici. L'air toujours aussi neutre, il se retourna vers elle, sans plus accorder d'atention à sa blessure, et, d'un ton froid et poli, totalement indifférent, il dit clairement, sans détour et sans mentir, ce qu'il était venu faire ici. Autrement dit, il dit cette vérité qui donnait souvent aux gens soit l'envie de lui éclater de rire au nez, soit l'impression qu'il se moquait... Avec son apparence sobre et classe, comment pouvait-il être venu dans le simple but de....

" Je suis venu observer les nuages. On m'a chassé d'où j'étais avant, je ne compte pas aller au Centre..."

Ca avait le mérite d'être clair, et aussi un peu culloté : s'il n'allait pas se faire soigner, il n'avait rien ou pas grand-chose à faire sur les îlots. Mais ce n'était pas nouveau : Alexiel n'allait pas au Centre pour des blessures béguines. Même si la jeune femme le jugeait abîmé, lui pensait que ce n'était absolument rien. Pourquoi il n'allait pas au Centre pour tout et n'importe quoi ? Parce qu'il n'y avait pas mort d'hommes, qu'il ne risquait pas ou que très peu de mourir de ce genre de blessures. Au pire, on lui couperait une jambe, et voilà... Non, en fait, s'il le faisait, c'était surtout pour que le clan Etoile puisse souffler un peu, et qu'il parvienne à mieux s'occuper des patients les plus graves... Et puis, ce genre de sentiments, il ne faut pas croire : il ne le ressentait que depuis son " réveil", après la mort d'Alyss, qui était alors si gravement blessée... Ah, si seulemet une Etoile avait pu passer par là. Mais il avait été seul, seul face à la mort de la personne à qui il tenait le plus. Si le décès de son père lui avait causé un léger coup au coeur, la mort de la jeune fille à qui appartenait autrefois la dague l'avait déchiré. Fronçant les sourcils en y repensant, premier signe visible indiquant qu'il pouvait ressentir des émotions aux yeux de la jeune femme aux cheveux bleus, il décida que ce n'était pas vraiment le moment idéal pour y repenser. En plus, April venait de se présenter et de le remercier... D'avoir rendu sa journée plus pourrie qu'elle l'était déjà ? Il la regarda de nouveu avec cet air impassible, comme si les accusations ne le touchaient pas- on n'en était d'ailleurs pas loin-, et reprit la paole de sa voix grave et calme.

" Alexiel. Je t'ai jamais demandé de me soigner, à ce que je sache : si tu ne veux pas le faire, ne le fais pas. Je t'assures que ce n'est pas moi qui t'y obligerais, et je ne t'en voudrais même pas de ne pas le faire. "

Oui, Alexiel avait daigné se présenter... Elle avait de la chance, ça n'arrivait pas tout les jours ! Enfin, parfois, il ne daignait pas décliner son identité, et pas même répondre... Mais là, il lui avait répondu. Enfin. Comme s'il en voulait encore au gens... La seule personne à qui il en voulait était le beau-père de celle qui avait été sa bien aimée mais il ne le connaissait même pas, et elle lui avait interdit de le tuer, alors... Toutefois, si cela pouvait lui faire plaisir, il ne serait pas dérangé à l'idée qu'elle le soigne, aussi étendit-il ses jambes devant lui. C'était comme elle voulait, lui s'en fichait. Oui, je sais, drôle d'attitude pour sa santé. Mais qui a dit qu'il était attentionné, ne serait-ce qu'envers lui-même ?

April aurait pu soupirer une nouvelle fois si elle n'avait pas été tant obnubilée par l'observation scrupuleuse de la plaie. Elle était plutôt profonde, mais semblait décidée à cesser de saigner assez rapidement. Pff, après son patient de la nuit, se serait une partie de plaisir. Pourtant, malgré le fait qu'elle avait choisit d'elle même de le soigner, elle ne pouvait s'empêcher de vivre cela comme une contrainte. Une contrainte qu'elle se serait imposée à elle même. Parce qu'elle ne pouvait simplement pas s'empêcher de soigner une personne blessée. C'était son drame dans la vie.

Mais c'était aussi son sevrage, et simplement pour ça, elle lui en était reconnaissante. Parce que toute l'adrénaline qu'autrefois elle trouvait dans l'alcool, aujourd'hui, elle le trouvait dans le fait de soigner les gens. C'était moins nocif pour la santé, et elle avait somme toute beaucoup moins de risque de finir comme sa mère. Enfin, elle pourrait aussi mourir de fatigue, du stress, ou que savait-elle encore... un arrêt cardiaque était si vite arrivé, et le moindre signe de faiblesse de sa part serait comme sonner le glas de son clan. Et il était hors de question qu'elle se laisse avoir comme le clan de l'Ouest.

Mais le sujet n'étais pas là, et elle se reconcentra assez rapidement sur la plaie à vif. Elle avait sur elle un baume désinfectant, et largement assez de tissu pour faire une bandage primaire qui éviterait à d'autres infections de venir abimer un peu plus cette jambe qui semblait avoir déjà bien vêcu.

Totalement prise dans son travail, elle remercia sans réellement le dire le geste du jeune homme qui lui permit de pouvoir travailler plus facilement. Si la plaie n'était pas réellement profonde, elle n'est restait pas moins bien sale. Ce n'était pas encore une infection, certe, mais si elle ne travaillait pas vite et bien, elle ne promettait pas de ce qu'il en resterait. Et une nouvelle fois, elle s'interrogea sur le clan auquel appartenait cet homme. Bien sûr, elle avait vu son arme, il y avait fort à parier qu'il appartenait au clan des nuages. Pourtant, était-ce réellement un membre de la Foudre qu'il lui avait causer cette plaie ? Il était vrai que les deux clans utilisaient des armes blanches, mais en se basant sur la profondeur, et la coupe de la plaie, elle pouvait assez facilement dire que ce n'était pas une lame de katana qui avait fait cette blessure. Alors il avait été attaqué par un membre de son propre clan ?

April leva un sourcil, et l'espace de quelques instants en vint à plaindre Keilana Haze : Si ces membres se battaient entre eux, ça promettait pour la suite. Bien qu'elle ne comprenne pas exactement ce qu'il se passait dans la chef du clan des nuages, elle se doutait que le fait que deux de ses membres se battent ne serait pas vraiment une aubaine. Elle-même punirait sérieusement les membres en question s'ils appartenaient à son clan. Mais en l'occurence, ce n'était pas le cas, et elle n'avait pas à se mêler de ce qui ne la regardait pas. Alors elle poursuivit le nettoyage de la plaie en silence, uniquement concentrée dessus.

Pourtant, il y avait une chose à laquelle elle devait répondre, et lorsqu'elle eut finit son enreprise de désinfection, alors qu'elle cherchait dans la légère sacoche pendue à sa taille les bandes à appliquer sur le mollet ainsi nettoyé. Aussi leva-t-elle légèrement la tête pour le fixer un instant dans les yeux :

- Sâche qu'une personne se présentant blessé dans un périmètre de quatre mêtres autour de moi, se doit de recevoir des soins. J'en fait une question d'honneur personnel.

Ayant récupéré la quantité de bande souhaitée, elle entreprit de bander soigneusement le muscle abimé. Le bandage ne demandait pas une concentration extrème, aussi put-elle poursuivre.

- Je me sentirais probablement mal si ta plaie s'infectait, se gangrènait... etc. en sachant que j'aurais pu arranger ça. Quand bien même tu n'appartiens pas à mon clan. C'est à la fois une question d'honneur et de devoir. Je ne voudrais pas qu'on dise que j'ai volontairement ignorer un blessé pour affaiblir un clan.

Elle ponctua sa dernière phrase en serrant un bon coup sec sur le bandage, sans s'inquiéter de savoir si elle lui ferait mal. Il semblait être quelqu'un de résistant à la douleur. Et puis, elle devait le soigner, pas le border dans de la soie. Aussi, son bandage terminé, elle reprit, le regardant en coin :

- Alors, Alexiel... Daignerais-tu expliquer à un membre d'un clan adverse pourquoi tu t'es battu avec un membre de ton propre clan ?

April haussa un sourcil. Petite étoile. Il l'avait appelé Petite étoile. Il y avait combien d'année qu'on ne l'avait pas appelé comme ça ? Elle réfléchit un instant. Jamais. C'était un fait : On ne l'avait jamais appelé ainsi. D'ailleurs, c'était bien simple, on ne lui avait jamais donné de surnom. Enfin, si... Roland l'avait appelé Gamine, mais ce n'était pas vraiment un surnom. C'était... différent. Et puis, après, les gens l'avait appelée April. Elle n'avait pas d'ami assez proche pour qu'on se permette de l'appeller autrement que par son prénom. April. Mais lui, il venait de l'appeller Petite étoile. Elle était chef de clan tout de même, et lui, quand bien même il n'était pas un de ses membres, aurait dû lui montrer le respect. Un minimum tout du moins. Mais non. Il l'appelait Petite étoile - Petite étoile imaginez-vous - et la tutoyait comme si elle était n'importe qui.

Mais n'était-ce pas le cas dans le fond ? N'était-elle pas n'importe qui ? Son rang au sein du clan Etoile ne devait pas lui faire oublier qu'elle était une simple humaine comme beaucoup d'entre eux. Et que par là même, elle ne devait se sentir supérieur en rien aux autres membres, tant de son clan que des autres. Egale. Alors bien sur, elle aurait pu le faire regretter d'être aussi familier avec elle. Elle connaissait les endroits exactes où appuyer pour le faire souffrir, et actuellement, il ne se méfiait pas suffisemment d'elle, et de ses mains pour parer directement une attaque douce. Mais April n'était pas une garce, et par la même, elle n'abusait pas de la confiance des gens. Ce serait un coup à se faire des ennemis. Et qui disait ennemi pour un chef de clan disait bien souvent conflit direct. Et elle savait qu'une grande partie de son clan n'apprécierait que moyennement d'entreprendre une guerre entre le Clan des Etoiles et un autre clan, quel qu'il soit. Alors, respectueuse envers les choix de son clan, elle préféra ne rien dire et ignorer le pseudo affront dont elle venait d'être la victime.

A la place, elle s'éloigna de l'homme blessé pour rejoindre sa place première, et sans plus lui adresser un regard, se réinstalla dans l'herbe, pour admirer le ciel, et peut-être, accessoirement, faire une petite sieste. Non. Pas de petite sieste. Elle savait pertinnemment qu'elle ne pourrait pas dormir en sachant qu'il y avait un membre du clan des nuages - d'ailleurs qu'importe le clan, un membre d'un autre clan que le sien - dans les environs. C'aurait été comme lui offrir la tête du clan des Etoiles sur un plateau. Et ce n'était pas quelque chose qu'elle était prête à faire. Surtout qu'offrir sa tête au clan des Nuages, c'était comme l'offrir au clan de la Foudre, et ça, il était hors de question qu'elle le fasse. Elle n'était pas encore complètement sénile, et ce n'était pas demain la veille que ce barbare aurait sa tête. Elle en faisait une question d'honneur.

Vous l'aurez remarqué : Il y avait beaucoup de chose dont April se faisait une question d'honneur. Pourtant, elle n'était pas quelqu'un de particulièrement fière, seulement c'était une façon pour elle de préserver l'honneur du clan. Les Etoiles n'étaient pas le clan le plus combatif de leur Enfer Celeste, c'était une fait indubitable, et si elle ne voulait pas que tout cela vire à la grand décadence, comme ça s'était déjà vu, elle était obligé de faire cela. Pour préserver l'honneur du clan. Elle sourit : Pour préserver l'honneur du clan, mais aussi pour se préserver elle-même. Toutes ces choses qu'elle disait faire par honneur, elle les faisait surtout pour des raisons plus personnelles, mais l'honneur avait l'interêt de couper court aux interrogations. Et ça, ce n'était pas plus mal.

Oui, c'était stupide, elle, une chef de clan n'aurait dû avoir de compte à rendre à personne. Mais en fait, c'était tout le contraire. Elle devait rendre des comptes à ses membres, pour ne pas qu'ils doutent d'elle et de son talent à les diriger, elle devait rendre des comptes aux autres chefs de clans, pour éviter une guerre ouverte, et des combats trop sanglant, et surtout, surtout, elle devait se rendre des comptes à elle-même, pour éviter de devenir de ces égocentriques qui pensent que leur choix represente la suprématie. Et ça, c'était probablement le plus dur. Car comment rester parfaitement maîtresse de sa vanité, lorsqu'on possédait les guerisseurs les plus talentueux de tout l'Enfer Celeste. Difficile vous en conviendrez. Enfin, elle supposait que c'était la même chose pour tout les chef de clan, aussi ne s'inquiétait-elle pas. Au regard des évènements, elle estimait que des cinq chefs de clan restant, il n'y en avait qu'un qui ait réellement craquer et se soit laisser emporté par la vanité et l'égocentrisme qu'apportait ce rang de chef de clan. Et malgré elle, elle ne put s'empêcher de grincer des dents. Barbare.

Se rappelant qu'elle n'était pas seule dans le jardin, elle tourna la tête vers Alexiel, intrigué par ce qu'il pouvait bien faire.