Wanna Play ? [PV Chelsea]

Infraction.

Qui avait-dit qu’atteindre le Somment sans y être invité par son Dieu était impossible ? Ah, ces chers conquérants. Bien doués pour l’offensive, mais quand il s’agit de surveiller leurs arrières… Ils manquaient un soupçon de subtilité en la matière. Oh, cela ne devait pas poser beaucoup de problèmes contre les Tempêtes, cela allait de soi. Mais pouvait-on se soustraire à la surveillance de Keilana Haze ?
Certainement pas.

Son regard d’onyx se posa tout autour d’elle, analysant chaque détail utile, du type de serrures jusqu’à la disposition du mobilier, en bonne informatrice, voleuse et assassin qu’elle était. Fouiller s’avérait tentant. Que ce soit discrètement en remettant chaque objet à sa place, ou bien de façon vulgaire et non professionnelle. Dans le premier cas, Chelsea devait certainement détenir des informations, dans le second, ce serait de la provocation pure et dure, lui rappelant qu’il devrait revoir ses critères à la hausse, une sensation grisante, pour tout dire.
Mais voilà, dame raison appelait Keilana à bien se comporter.
Un attitude trop irréprochable éveillerait les soupçons, non ?
Elle devait prouver une forme de fidélité à la Réincarnation d’Attila, une forme de soumission. Montrer combien elle était prête à courber l’échine pour sauver les siens. Néanmoins, elle ne ravalerait pas son orgueil pour autant, non. Sinon, pourquoi n’avait-elle pas simplement demandé à avoir un entretient avec le chef des Foudre ? Elle se serait retrouvée à attendre patiemment, il se serait peut-être fait un plaisir de la faire poireauter pendant des heures. Bref, la perspective de se comporter comme un simple citoyen du Céleste Enfer, de devoir défier du regard chaque Foudre qui passait par-là ne plaisait pas vraiment au chef des Nuages, et elle ne se plierait certainement pas à ce genre de règlement. S’il voulait la garder auprès de lui, Chelsea n’avait qu’une seule chose à faire : respecter la liberté de la jeune femme.
Bien entendu, coller une laisse à Keilana était tout bonnement impossible, quand bien même elle aurait voulu en laisser l’illusion, c’était trop flagrant pour qu’elle pût dissimuler ce trait de caractère chez elle. Elle pouvait feindre l’obéissance, pas la servitude. Un état de fait qui lui vaudrait certainement bien des ennuis, mais qui n’entachait en rien sa personnalité et son comportement. Il valait mieux construire une illusion sur du réel, n’est-ce pas ? Là était le plan, dans toute sa subtilité : ce n’était pas parce que Keilana avait la décence de ne pas fouiller dans les papiers de son collaborateur qu’elle ne comploterait pas dans son dos. Pour le moment, bien entendu, Chelsea demeurerait méfiant. Mais au fur et à mesure, elle endormirait ses soupçons, se fondrait dans un rôle qu’elle jouerait à la perfection, pour le mieux le frapper dans son dos.

Keilana soupira, fit encore quelques pas dans la pièce en s’étirant.
Depuis la baie vitrée, elle réalisa qu’on pouvait contempler une grande partie du Céleste Enfer. L’architecture avait été faite de sorte que les gratte-ciels les plus au sud du territoire étaient nettement plus petit et plus espacés, si bien qu’ils ne bouchaient pas la vue. Keilana devina que derrière le Sommet, les immeubles n’atteignaient pas la hauteur du Sommet, mais n’en restaient pas moins plus imposants, et plus nombreux. Cette vue l’horripilait. Voir ainsi toute la surface de la Cité Volante donnait une impression de liberté factice, une domination futile et précaire, un simple désir de puissance lorsque le véritable pouvoir se trouvait dans les ténèbres qu’elle arpentait chaque jour. Manipulation, anticipation, réflexion… D’une façon ou d’une autre, ses plans fonctionneraient, bien mieux que la force brute. Elle le savait, les machinations de Chelsea ne l’atteindraient pas, elle ne le laisserait pas régner en maître sur cette Cité.

Elle se laissa glisser sur le fauteuil, sans gêne aucune. Prenant ses aises, elle posa même ses pieds sur le bureau. La position aurait pu avoir quelque chose de vulgaire, puisque Keilana portait un pantalon d’un gris foncé un peu trop moulant, mais tellement plus pratique pour les déplacements. Enfin, ce n’était pas ses jambes fuselées qui allaient choquer ce pauvre Chelsea, non ? D’autant plus qu’elle portait un haut sans moche au col roulé sage. Bref, Keilana prenait ses aises, pourquoi se gênerait-elle ? Puis, il était si doux de provoquer, tellement plus amusant, d’imaginer les multiples réactions d’Angel, lorsqu’il franchirait cette porte. La surprise, sans aucun doute, car Keil’ se savait la meilleure dans son domaine, elle savait aussi que personne ne l’avait vu, que rien sur la porte n’avait pu bouger lorsqu’elle avait pénétré dans la pièce… Tout simplement parce qu’elle n’était pas passée par là. Surprenant, elle savait, mais c’était là le but d’un Nuage, surprendre. Pour mieux vous trancher la gorge ensuite, disait-on. Il pourrait aussi monter accompagné que cela n’étonnerait guère la jeune femme du clan assassin. Oh ! Cette idée lui plaisait, elle se ferait une joie de le rappeler à l’ordre d’un ton mordant d’ironie. Il pouvait lui lancer aussitôt son épée, aussi, en bon guerrier qu’il était. Mais, là, elle se tenait prête, évidemment, même si elle en avait pas l’air.

Nonchalamment, elle passa ses mains sous sa tête, se recala dans le fauteuil. Pas de manière à être plus confortablement installée, mais de manière à pouvoir réagir quoi qu’il pût arriver. Elle guetta, attentive, les bruits de pas dans le couloir, elle essayait de déceler les allées et venues d’après le bruit que faisaient les rouages des ascenseurs, s’amusa à espionner les yeux fermés.

Bienvenue à la maison, Chelsea.

Einos Ohze. Cela faisait quelque temps déjà que Chelsea avait rencontré la Réincarnation du clan Vent, Cassandre, et qu’il cherchait tout ce qu’il pouvait savoir sur cet homme. Il lui serait la clé du don prémonitoire de Cassandre, une grande avancée vers l’étendue de ses terres ! Avec l’Avenir de son côté, son second ne pourrait plus lui refuser sa guerre, n’est ce pas ? Bien entendu, il faudrait que Faily lui raconte la vérité, et uniquement la vérité. Il n’avait à vrai dire pas suffisamment confiance en elle pour être sûr qu’elle le fasse bel et bien, mais trouverait bien une solution en temps et en heure. De toutes façons, Chelsea n’avait réellement confiance en personne, excepté son second qui avait acquit sa confiance au bout d’un certain moment. Cette confiance était bien entendu toute relative puisque, dans sa paranoïa grandissante, Chels était persuadé que tous ceux à qui il pouvait lui venir l’idée de leur accorder un minimum de sa confiance finiraient par le trahir. Qu’il en soit ainsi, mais il se défendrait jusqu’au bout, quelle que soit la trahison : si elle lui était mortelle, il ferait de son mieux pour entraîner le traître dans la tombe. Sinon… Ledit traître serait traqué, chassé, exécuté. Cela ferait certainement plaisir à Drev, non ? Quelqu’un de puissant – suffisamment pour qu’il lui offre un simulacre de confiance – à qui se mesurer, à tuer. Si jamais ce fameux traître en réchappait, il ne pourrait de toute façon ne jamais plus compter avoir la confiance de Chelsea, qui serait prêt à le tuer de ses propres mains s’il le fallait. Pour l’instant, seul son second avait ce droit sacré : il faisait également confiance à Drev dans son métier, mais il n’irait pas plus loin avec elle, qu’il jugeait trop instable. Keilana ? Elle était une chef d’un autre clan et, même si elle lui obéissait plus ou mois, il n’était pas encore prêt à la croire tout à fait honnête et loyale envers lui. Il préférait de loin attendre de voir comment elle se comporterait avec lui à l’avenir.

Revenons donc sur Einos Ohze. Avant d’envoyer qui que ce soit à sa recherche et d’accomplir le sombre dessein de Faily Muerte, il faudrait à Chelsea un maximum d’information sur le fuyard. Et afin d’éviter au mieux les fuites, il n’avait averti que son second et s’occupait lui-même de la prospection. En même temps, comme son second ne daignait toujours pas le laisser lancer la guerre qu’il désirait tant, pour les intérêts du clan tout comme pour sa fierté propre, il n’avait pas tant de chose à faire. Il se reposait beaucoup sur ledit second pour toute l’administration – bien qu’il serait totalement faux de penser qu’il ne s’en occupait pas – et mis à part les quelques papiers nécessaires aux clans, les budgets et autres, il n’avait pas grand-chose à faire. Donc, il avait largement le temps pour faire ses recherches. De plus, son côté perfectionniste n’aurait pas aimé que ce soit mal fait, et l’impatient, que cette affaire traîne : ainsi, puisqu’il se chargeait de tout, il était sûr que cela soit réglé dans les plus brefs délais. Néanmoins, cela faisait quelque jours qu’il était à la recherche d’informations diverses, et quelque jours que la chance ne lui souriait pas et qu’il ne trouvait pas un mot sur Einos Ohze. C’était à devenir fou, pour quelqu’un d’aussi impatient et avide de pouvoir et de territoires que Chelsea. Et puis, ce jour là, le vent céleste tourna en la faveur de notre cher chef du clan foudre : dettes, impayés, et d’autres informations bien plus utiles ! Enfin ! Il n’avait pas accordé une lecture très attentive à ces papiers, survolés en diagonale, mais il était persuadé d’y trouver ce qu’il cherchait. Si fouiller sans succès dans les archives de la Cité l’avait plutôt voire carrément énervé, il planait désormais dans un état de bonheur assez effrayant pour ceux qui ne l’appréciaient pas. Et qui voulait dire bonheur, chez Chelsea, voulait également dire désir de jeux.

Après avoir récupéré ces documents, si précieux dans ses projets de conquête – ce qui lui semblait d’ailleurs quelque peu étrange puisque ce type n’avait pas grande importance dans son ancien clan, et qu’il était même le pire des déchets, il vérifia s’il ne pouvait rien trouver d’autre et, comme ce ne fut pas le cas, à son plus grand malheur – mais ça ne suffit pas à entacher son humeur, bien entendu, il en fallait désormais un peu plus – il retourna bientôt au Sommet. Il gravit les escaliers, n’appréciant pas de rester enfermer dans un ascenseur – et si celui-ci restait coincé ? S’il y avait une panne, ou pire ! Qu’on l’enfermait pour tenter de le tuer dans cet espace réduit ? Bref, la paranoïa demeurait hyperactive – et déposa les documents sur le bureau de son second. Il lui demanda – ordonna, si vous voulez – de s’occuper de trier les informations pendant qu’il s’occupait des documents dont il devait se charger dans son bureau, notamment réécrire les rapports de Graham – en vue del’écriture abominable de l’homme qui murmurait aux anses des tasses de café, il préférait retranscrire ses rapports pour être sûr que le clan arrive à les décrypter dans le futur, lui-même ayant eu d’énormes difficultés avant de s’habituer finalement à l’écriture précipité de l’autre abruti aux yeux rouges – ou réfléchir et préparer un nouveau plan d’attaque pour la guerre qu’il prônait et rêvait. Ainsi donc, il se dirigea vers son bureau et ouvrit la porte… Sauf que voilà, tout ne se passa pas comme il l’avait prévu.

Il lui suffit de sentir la présence humaine qui traînait dans son bureau, d’entrapercevoir l’ennemi potentiel pour porter, immédiatement, la main à son épée. Il l’aurait certainement brutalement lancée sur l’Adversaire, ou aurait lancé un assaut direct sur l’Agresseur qui en plus se permettait de s’emparer de son siège, s’il n’avait pas reconnu Keilana. A cet instant, il daigna lâcher son arme, ayant l’air de se détendre imperceptiblement et se laissant même aller à esquisser l’un de ses sourires tordus. En réalité, détendu, il ne l’était pas tant. Personne ne l’avait prévenu de la présence de Keilana Haze dans ses bureaux, cela voulait donc dire qu’elle y était entrée sans se faire voir. Cela ne l’étonnait pas. Les Nuages étaient connus pour leur discrétion – étrange paradoxe, n’est ce pas ? Quoi qu’il en soit, ce qui le dérangeait le plus, c’était qu’elle ait un accès si facile à ses documents les plus importants : même s’ils étaient tous sous clé, il ne doutait pas qu’elle soit capable de crocheter une serrure. Son bureau ne lui parut soudainement plus comme un lieu sûr et il se promit de déplacer ses documents sous peu, dans un endroit connu de lui et de son second uniquement. Allait-il y repenser par la suite et aurait-il l’occasion de le faire, c’était une toute autre histoire… Bref, il haussa un sourcil interrogateur avant de prendre la parole, moqueur, la surprise passée.

« Tiens, Haze, on a oublié de me dire que tu étais ici. »

Foutaise, et elle devait bien le savoir. Il n’était pas suffisamment stupide pour penser qu’elle soit tranquillement passée par l’entrée principale, ait fait un pied de nez à son second au passage, avant de s’installer tranquillement sur le fauteuil du Grand Manitou. Néanmoins, si elle ne s’en doutait pas, son ton moqueur et criant d’ironie devait bien entendu parfaitement indiquer ce qu’il pensait de la situation. Manière détournée de lui demander ce qu’elle faisait ici.

Le jeu avait commencé, Chelsea Angel était prêt. Et absolument ravi.

Keilana ouvrit les yeux, calmement.
Elle avait entendu les pas. Elle avait senti l’énergie qu’irradiait le chef du Clan Foudre. Elle s’était préparée à réagir au sifflement de l’épée. Le tout plongée dans un calme grisant, ne se servant que de ses autres sens. Mais aux paroles de son « invité », elle eut tout de même la politesse de le dévisager, narquoise. Oh, oui, elle le défiait ! Qu’il était délicieux, de voir son plan se dérouler à la perfection, lire la légère inquiétude, la surprise, la fausse assurance, sentir les muscles de son vis-à-vis encore tendus. Qu’il était jouissif de lui faire réaliser combien la sécurité n’était pas de mise avec l’élite des Nuage ! Chelsea allait-il déplacer ses précieux documents ? Un éclat amusé traversa le regard de Keilana à l’idée de devoir soutirer des informations au Second du clan Foudre. Peut-être qu’Attila devrait-mieux choisir ses alliés, non ? A moins qu’il n’eut un goût prononcé pour les pièces rebelles, les incertitudes et les coups du sort. Les prises de risque. Car après tout, il avait choisi un Exécuteur hors du commun, particulièrement instable. Keilana rêvait du jour où les pions se retourneraient contre le maître du jeu. Et elle ferait tout pour parvenir à ce résultat. Néanmoins, pour le moment, la prudence s’imposait, frustrante au possible. Elle se devait de cacher son jeu, sans paraître suspecte – plus qu’elle ne l’était déjà, bien entendu.

L’air de rien, elle s’étira, les bras vers le ciel, nonchalante et féline, l’air neutre au possible, laissant le masque glisser sur sa peau, maîtresse totale de ses expressions. Elle haussa un sourcil, légèrement étonné, avant de répondre, enfin, aux paroles d’Angel, tout en ignorant l’ironie dont il faisait preuve. Allons, elle pouvait encore se balader à sa guise…

« Vraiment ? Tu devrais t’entourer d’individus un peu plus compétents. »

L’opinion commune voulait, d’un autre côté, qu’on ne fût jamais mieux servi que par soi-même. Hélas, lorsque l’on avait tout une île à dominer, il était plutôt délicat de la parcourir seul, d’effectuer toutes les missions, de ne confier rien à personne. Chacun se voyait dans l’obligation d’accorder sa confiance, de s’adonner à la sous-traitance. Et c’est la méfiance que le Vent souffle, les pas prudents, les calculs minutieux… Et vraiment, Keil’ ne comprenait pas ceux d’Attila. Il s’aventurait sur des chemins bien imprudents, alors que parfois, il suffisait simplement de se montrer patient. Quoique, il était tout aussi probable que le temps lui fût compté : au sein du Clan Foudre, la place de Chef se trouvait être convoitée, et c’était en combattant qu’on l’obtenait. Elle se demanda furtivement si la Réincarnation du Clan Foudre allait bientôt se confronter à des vagues successives d’adversaires. Après tout, il se montrait plutôt inactif, et il « s’allait » avec le Clan Nuage… Ne remettait-il pas en cause son autorité de la sorte ? Sans compter l’incontrôlable Drev qui parcourait les lieux à sa guise, en terrifiant plus d’un, qui ne pouvait qu’attirer l’animosité. Avait-il le Fléau sous contrôle ? Le doute était permis, pour tous. Si bien que la fin du règne approchait peut-être… Quel songe exquis ! Quoi qu’un nouveau chef compliquerait bien la tâche à notre jeune femme au teint blafard.

Elle se leva avec une grâce naturelle et sauvage, laissa son regard traîner par delà la baie vitrée quelques secondes, avant de se tourner vers Chelsea. Puis, elle avança, ni trop vite, ni trop lentement, et ne s’arrêta que lorsqu’elle fut à la portée de son épée, provocatrice, sensuelle. Dangereuse. Car, avec une proie normale, si près, elle aurait déjà trouvé mille façons de tuer, d’un coup, sans que la victime ne pût voir le coup venir. Discret, efficace, fatal. Mais elle avait aussi en poche bien des techniques pour faire souffrir, pour obtenir des informations, pour endormir la confiance. Poisons et Aiguilles. Ce genre de chose qu’il était si tentant de d’essayer sur la Réincarnation. Résisterait-t-il à ce genre de moyens ? Ou bien succomberait-il ? Question qui mériterait réponses, selon Keilana, car, ses plans changeraient du tout au tout. Elle brûlait de connaître les outils dont elles disposaient, les différencier de ceux qui sont inutiles. Hélas, il lui faudrait faire preuve de bien plus de subtilité si elle voulait connaître les faiblesses de Chelsea. Elle fit donc taire ses pulsions meurtrières, renferma cette facette cruelle qui rongeait son âme pour dessiner un nouveau masque sur ses traits, se glisser dans la peau d’un nouveau personnage. Quelque chose d’énigmatique dans son regard, dans sa silhouette, comme si soudain, elle avait décrété qu’elle serait désirable et dégageait une aura en conséquence. Un sourire se dessina sur ses lèvres pâles, alors qu’elle tâchait de rappeler Chelsea aux civilités d’usages, d’une voix feutrée :

« Mais dis-moi, mon cher, comment accueilles-tu donc tes fidèles serviteurs ? »

Tête légèrement levée pour compenser la différence de taille ; son souffle avait tout juste caressé son visage, bravache et glacial, tels les vents célestes. Elle lui sifflait ainsi son désir de liberté, de jeu, de mystère, son insolence insatiable teintée de dédain, toujours à la recherche d’adversaire à sa hauteur.
« Serviteur »
Le mot lui-même lui coûtait, l’enchantait à la fois. Un étrange sentiment de paradoxe s’emparait d’elle, comme si ses facettes se mêlaient, comme si son rôle prenait le dessus jusqu’aux tréfonds de son âme, la faisant basculer dangereusement dans le mauvais camp. Chute ? Ou juste l’enjeu, qui sait ? Car, pour Keilana, ceci n’était qu’une mise en scène, un gigantesque échiquier. Mais là, cela révélait plus du théâtre, elle jouait d’ores et déjà sur le devant de la scène, face à son public favori, qu’elle devait tromper à merveille. La question restait quelle serait la réaction de sa grandeur ? Allait-il pousser le jeu plus loin, allait-il la remettre à sa place ? Et elle, quels seraient ses prochains mouvements, douce provocatrice qu’elle était ? Elle ignorait encore tout de son interlocuteur. Elle ne possédait que quelques maigres informations, issues d’observations diverses, ne possédait que des rumeurs exagérées, que les plus terrifiés avaient répandus sur la Cité. Rien de bien révélateur, même si toute histoire pouvait dissimuler une part de vérité…

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